Cité de mémoire 2. Intervention sur photo, 2016. Courtesy de l'artiste. |
"Une mémoire immémoriale travaille
dans un autre arrière-monde.
Les songes, les pensées,
les souvenirs ne forment qu’un seul tissu."
G. Bachelard.
Ici l’on perd le sens de la mesure en buvant l’élixir de l’immensité et des
débordements. Ici, l’on court à perdre le souffle dans l’exiguïté des murs
puisque la cellule est une fenêtre ouverte sur des nuages voyageurs. Ici, l’on
est invité à désapprendre l’oubli pour citer de mémoire la lumière. Il semble
qu’elle soit une ombre qui danse entre les plis de tissus fragiles et éthérés,
rongés par le temps et par l’ennui. Il semble qu’elle soit une non-présence qui
se glisse dans les interstices de chaque déchirure reformulée. Page ouverte sur
les leçons de choses surannées. Tiroir où résonne le son des mots étranges et à
jamais étrangers. Ici, il s’agit de croire en cet arbre qui a surgi en quelques
heures, mettant à profit l’espoir fou d’une branche et la brèche béante de
l’insomnie. Introduction à une chambre blanche, découpée à la genèse dans les
pans insondables de la nuit.
Pour tel
univers, telles ombres. Il n’y a pas de visages dans l’œuvre de l’artiste. Il y
a des silhouettes, il y a une ébauche d’êtres et de traits. Il y a des corps
qui reprennent à la vue leur véritable apparence. Il y a des étendues séparées
de nous, et cette impossibilité du pas à les rendre plus proches, parce
qu’ancrées dans nos entrailles. Leur silence est l’écho de notre voix. A les
regarder une impression de déjà vu s’incruste par l’œil, par l’ouïe, par les
fleurs de peau. Nous avons déjà foulé pareils territoires. Nous avons déjà posé
contre notre gré en pareille posture. Jamila Lamrani se contente juste de citer
de mémoire ce que nous avons choisi ou cru oublier. Scribe de ces mots
griffonnés en marge, que l’on inscrit presque par inadvertance, et qui pourtant
redressent en nous l’ossature secrète menaçant à chaque instant de s’écrouler.
(°)
Bachelard, Poétique de l’espace.
Cité(s)
de mémoire. Exposition
jusqu’au 24 avril 2016.
Centrum Sete Sóis Sete Luas, Pontedera,
Italie.