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Photo issue du projet Hafa. Courtesy Malik Nejmi. |
Le photographe et cinéaste franco marocain Malik Nejmi est en résidence à L’Iméra de Marseille jusqu’en juillet 2015. Il travaille sur son projet "Immigration clandestine, nouveaux protocoles de récits", à travers le film Hafa (Le bord), dans lequel il se tient au plus près de ceux que certains appellent les Passagers aveugles ou encore les polizones (enfants du quartier ou illégitimes). « Hafa » n’est pas une œuvre comme les autres. C’est un récit lyrique, ambigu, surprenant, le carnet de bord d’une traversée rêvée et narrée à deux voix, sur la lisière du désir, du départ sans cesse contrarié, de l’horizon qui se dérobe. Deux regards se croisent et deux pensées se délient, évoluent au jour le jour. Celle de l’artiste, homme des deux rives, et celle de Omar, passager clandestin, voyageur incertain.
Le bord a ses moyens. Ici, deux téléphones portables qui filment sans fards les recoins réels, imaginaires ou rituels d’un voyage destin. Le quartier tangérois Boukhalef où habitent en majorité les candidats à l’immigration clandestine, immense non-lieu tel que décrit par Marc Augé, se mue petit à petit en un espace coloré, croqué par l’œil désormais décillé de Omar qui filme ses compagnons. Pose un regard tendre et rieur sur ces couloirs tristes de l’attente qu’ils habitent tous comme une seule embarcation. Des tranches de vie qu’encercle la hafa de Tanger saisie par Malik Nejmi. Un grand décor immuable en noir et blanc, un bord horizon mais aussi support d’un élan en suspens, où les héros sont des comparses de passage sans cesse remplacés, doux rêveurs, poseurs inconscients face à une étendue infinie, indifférente et à des miradors désenchantés.
Le bord devient tour à tour passerelle, passage et chambre. Un espace qui se construit sur le sable, comme tous les châteaux d’Espagne. Menacé par l’imprévu des heures et continuellement restauré par les mots, le partage et les bribes de vie échangés. « Ils sont partis avant-hier », note à un moment l’artiste. « Omar est resté. A cause d'un rêve : un rêve qui le pousse à partir, un autre rêve qui le pousse à rester. A cause de notre film aussi, sûrement. Il a tout mis en scène, "comme au théâtre", m'a-t-il confié. Nous sommes en plein dans un cinéma fraternel. »
En attendant que Hafa prenne sa forme définitive, on peut découvrir l’installation vidéo panoramique « 4160 » de Malik Nejmi à la triennale de Vendôme ; une œuvre bouleversante, ode à l’ici là-bas, aux frontières, à l’absence et à la transmission. Enfin, jusqu’au 18 juillet, à la Galerie Agnès b, se tient l’exposition «Tara, les marins, les scientifiques et les artistes. Un voyage en Méditerranée ». Malik Nejmi y participe avec son triptyque vidéo intitulé « Une Odyssée », accompagné par la voix et le poème de Touda Bouanani, et réalisé par l’artiste durant la résidence Tara Méditerranée en 2014.
4160. Vidéo installation, Malik Nejmi, 2014. Jusqu’au 31 octobre 2015 à la Triennale de Vendôme.
Tara, les marins, les scientifiques et les artistes. Un voyage en Méditerranée. Du 9 juin jusqu’au 18 juillet 2015 à la galerie Agnès b. 44, rue quincampoix, Paris 4ème